Ma tendre Constance

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José - Ma tendre Constance

 

Ma tendre Constance,

Je reviens toujours à vous avec le même empressement. Souffrez qu’après votre exil, le sentiment du bonheur a fui de moi ; Il a fait place à celui des privations cruelles qui n’ont pour seul remède que la douce pensée que d’ici peu viendra le temps de nous revoir.

La veille, tourmenté par une nuit de tempête pendant laquelle je n’ai pas fermé l’œil, mon regard s’est posé sur le tableau au-dessus de votre commode.

Les bougies aux flammes lancinantes avaient pour effet de lui insuffler la vie, saisissant un instant particulier de mon existence, à l’image d’une fenêtre qui donnait sur ma vie.

Animé par un transport onirique, je me remémorais cette belle journée de juillet où la providence me fit découvrir mon plus beau trésor...

Dépêché par mon père pour y régler quelques affaires, j’arrivais à Douai, belle ville commerçante à l’architecture typique des Flandres et fut surpris d’y voir tous ses habitants en joie se précipitant au centre de la cité d’où émanait un certain tumulte.

Me laissant guider par ma curiosité, je suivis la foule qui m’entraîna dans une danse folle au milieu de personnages gigantesques, nommés la Famille Gayant, que des porteurs faisaient danser au son des flûtes, des tambours, des rires et des cris d’acclamation.

La chaleur entêtante était heureusement adoucit par une brise légère à laquelle se mêlaient des effluves de feu de bois, de rôtisserie et de cervoises qui exaltaient mes sens !

Perçant la foule, j’arrivais à l’hôtel de ville ;  Et comme dans un rêve, aux pieds du beffroi, majestueux et solaire, dans l’écrin d’un carrosse,  le plus beau joyau de cette ville fut déposé.

En vous découvrant, descendant au bras de Monsieur votre père, je savourais votre charmante figure, vos grâces enchanteresses, votre touchante candeur... Et que dire de la douceur de vos yeux qu’embellissait encore l’expression de tendresse qui les inonda, lorsqu’ils vinrent se poser sur moi et signant de cet acte l’aveu d’un émoi partagé.

Il n’y eu aucun doute, à partir de ce jour, je sus que vous seriez pour toujours la maîtresse de mon cœur.

Mais soudain, la froideur de la tablette de marbre de votre meuble, que mes mains vinrent heurter par mégarde, me firent quitter ce doux songe pour me plonger dans un état de frayeur.

Il n’y a plus, aujourd’hui de processions des Gayant, le Roi et la Reine ne sont plus, les temps changent et le peuple a soif de vengeance.

Nous n’avons, sans nul doute, pas su entendre sa souffrance et sommes témoins aujourd’hui de sa colère.

Puisse Dieu m’aider à sauver ce qui peut l’être, mais, en fait, il m’importe peu d’être dépossédé de tous les biens, puisqu’ils ne sauraient, tenir place dans mon cœur, ma chère Constance, d’un seul de vos sourires, d’un seul de vos baisers.

Adieu ma très chère ; le seul soulagement que j’éprouve dans mon effroi est de songer que la nouvelle lune prochaine, marquera la fin de notre pénible séparation.

"La veille, tourmenté par une nuit de tempête pendant laquelle je n'ai pas fermé l'œil, mon regard s'est posé sur le tableau au dessus de votre commode." (José, photographié par André Jacquart de la Société Photo-Ciné de Douai)

Louis Watteau a représenté en 1780 La Famille du Grand Gayant de Douai. Ce tableau est l’illustration la plus ancienne des Fêtes de Gayant. Le 16 juin 1479, les Français tentent de s’emparer de Douai, en vain. Pour fêter cette victoire, la ville institue une procession dans laquelle, à l’image de nombreuses villes des Pays-Bas, on adjoint un géant à partir de 1530. Créé par la corporation des manneliers, il est baptisé Gayant – patois local du mot géant – et rapidement accompagné d’une femme et d’enfants. Au fil du temps, même si le motif de la fête se modifie, le défilé reste un événement incontournable de la vie douaisienne.

 

Itinéraire bis est une balade sonore créée en 2022 par des habitants de Douai. Les œuvres d'art choisies évoquent leurs liens avec la ville. Ces Douaisiens ont été guidés par Bernard, médiateur du musée de la Chartreuse et accompagnés par Stéphanie et Pedro, comédiens de la compagnie La Boka qui ont dirigé les ateliers d'écriture et de mise en voix. Les photographes de la Société Photo-Ciné de Douai ont mis en lumière leur travail. Benjamin, compositeur et designer sonore chez Road Studio, a quant à lui créé les musiques et les habillages sonores de cette escapade poétique.

Nous vous souhaitons une agréable écoute.